mercredi 22 mai 2019

Chronique : "The Ills of Modern Man" de Despised Icon

Bien avant que le deathcore n'explose vers la fin des années 2000, quelques formations s'étaient déjà essayé avec succès à mélanger le hardcore et le death metal et ont même permis de propulser le genre. Parmi ses groupes, les québécois de Despised Icon reste l'un des noms qui revient le plus souvent lorsqu'il s'agit de de représenter le sous-genre. Reformé en 2014 après une séparation de quatre années, c'est pourtant depuis 2002 qu'il sévissent et font mûrir leur style jusqu'à sortir en 2007 The Ills of Modern Man. Cet album recommandable à quiconque voudrait découvrir le groupe montre leur maîtrise du genre grâce à un sens de la composition suffisamment fin, combiné aux thèmes traités par les morceaux. Ces atouts font de l'album une expérience éprouvante et dramatique.


        Comme dit précédemment, Despised Icon est l'un des groupes qui a permis l'émergence du deathcore. Au death metal, ils empruntent la frénésie des blast beats, les roulement de double grosse caisse, les riffs extrêmement lourds relevant et des passages typés brutal death metal (The Ills of Modern Man, Oval Shaped Incisions) ou encore le chant guttural de Steve Marois, qui s'adonne même parfois au fameux pig squeals (In the Arms of Perdition, Furtive Monologue, A Fractured Hand). La composante hardcore est quant à elle repérable par les passages plus groovy et à tempo modéré (ce fameux break accompagné de gang vocals dans In the Arms of Perdition, Quarantine), les breakdowns (les intros de A Fractured Hand et Fainted Blue Ornaments, la conclusion de Oval Shaped Incisions) et les hurlements de Marois et surtout d'Alexandre Erian. Mais au-delà du simple mélange, Despised Icon font preuve d'une maîtrise instrumentale et d'une écriture irréprochables. Certains vont jusqu'à rapprocher leur musique d'une forme de death metal technique, ce qui semble assez pertinent. La plupart des morceaux montrent en effet de nombreux changements de tempo et divers cassures dans les différentes dynamiques. Les éléments cités plus haut viennent aussi parfois à se fondre les uns dans les autres dans une même section comme on peut l'entendre dans Quarantine avec ces riffs typés hardcore sur des blast beats. Certaines parties sont également assez déstructurées et évoquent presque des genres comme le mathcore (Sheltered Reminescence, Tears of the Blameless, Oval Shaped Incisions). On trouve enfin quelques marques plus atmosphériques, notamment ce lead dans l'intro de A Fractured Hand.
        Nous nous retrouvons avec un style brutal, presque sans temps mort et qui colle très bien aux thèmes tourmentés qui traversent l'album. "Les maux de l'homme moderne" représentent les responsabilités de l'adulte contemporain et les défis auxquels il est confronté et que les voix de l'album peinent à aborder et surmonter. Des morceaux comme The Ills of Modern Man et Oval Shaped Incisions renvoient à ces failles dans les attentes que l'on peut avoir de ces responsabilités et la réalisation du poids qu'elles peuvent prendre. La culpabilité et les remords sont également des thèmes très présents, d'ailleurs souvent envers un second sujet, sans doute l'être aimé (Furtive Monologue, A Fractured Hand). Enfin, on peut difficilement évoquer ces thèmes sans évoquer ceux de la santé mentale, de l'isolement et de la dépression (In the Arms of Perdition, le contemplatif Sheltered Reminescence, Nameless). Les voix qui s'expriment tout au long de l'album reflètent un esprit chaotique et agité et la musique qui les accompagne représente bien l'impossibilité pour cet esprit d'être serein jusqu'au bout de l'album. Le final Fainted Blue Ornaments accorde un bref sursis par quelques arpèges de guitare claire, mais ce répit sert justement à préparer et relancer un final aux allures dramatiques accompagnés par ses mélodies mélancoliques et les hurlements qui s'éternisent jusqu'au fondu final.

        Avec The Ills of Modern Man, Despised Icon délivrent un metal plus profond que ne pourrait le laisser penser la frénésie de leur style. Leur sens rigoureux de la composition et la force de leurs thèmes les rend bien plus pertinents que beaucoup de groupes de deathcore qui ne se contentent que d'appliquer quelques formules toutes faites pour simplement donner une musique brute de décoffrage. Même si la musique est un divertissement, elle est aussi un moyen d'expression, deux aspects que les québécois exploitent parfaitement bien.

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