jeudi 22 décembre 2016

Chronique : "One" de Tesseract

Alors que nous approchons progressivement de la sorte de la décennie 2010, replongeons nous en son début, à l'époque où la vague djent commençait à exploser. Revenons plus précisément en 2011, à la sortie de One, premier effort des anglais de Tesseract, fondé par la guitariste Acle Kahney et auquel il se consacre pleinement après son départ et la dissolution de son ancien groupe Fellsilent.


      Là où Fellsilent proposait justement un metal expérimental énergique et assez sombre, Tesseract se tourne vers une direction bien plus atmosphérique lorgnant davantage vers l'influence du rock progressif, Kahney affirmant même prendre David Gilmour comme l'une de ses principales inspirations. Toujours est-il que les anglais savent manier un équilibre entre l'aspect ambient et mélodique et celui du groove et des rythmes syncopées typiques de la vague djent. Le côté progressif, en plus de la vituosité des musiciens dans l'usage des rythmiques alambiquées, tient aussi, à quelques exceptions près (Nascent étant la plus flagrante), à un sens de la composition propre à éviter la classique structure couplet-refrain, ou tout du moins à la rendre peu évidente. Les anglais se paient même le luxe d'inclure à l'album Concealing Fate, pièce en six parties de près d'une demie-heure, dont on regrettera cependant l'enchaînement parfois hasardeux. On salue tout de même la performance d'autant plus intéressante en live, étant donné que l'album contient un DVD du groupe jouant Concealing Fate dans son intégralité aux défunts Battersea Park Studios de Londres, nommé Sphere Studios à l'époque de l'enregistrement de la performance. En parlant de cette dernière, celle des guitaristes sur l'album est toujours aussi précise, que ce soit à travers les riffs alambiqués ou parties en guitares claires qui viennent donner l'atmosphère des morceaux. On remarque d'ailleurs qu'il n'y a quasiment pas de parties lead, encore moins de soli, excepté quelques lignes peu étendues (le petit lead de Lament). Au niveau rythmique, le jeu du batterie de Jay Postones s'avère largement convaincant, autant que les lignes de basses d'Amos Williams. Mais Tesseract se démarque davantage de ses petits camarades de la scène djent par son chant. En effet, Daniel Tompkins privilégie un chant clair souvent haut perché et extrêmement bien maîtrisé. On constatera notamment sa capacité à tenir de longues notes sans fléchir à la manière d'une mélodie ambient (Deception, April, Eden). On notera également quelques rares occurrences d'un chant hurlé et agressif collant très bien au propos (Nascent, la plus agressive, Acceptance, Sunrise).
      Les thèmes traités par les morceaux sont assez classiques, Tompkins affirmant dans le DVD mentionné plus haut se cantonnant à parler des "vraies choses". Au-delà des réflexions sur la vie que l'on peut retrouver notamment dans Concealing Fate, on retrouve celui de la mort sur Lament, de la rupture sur April et de l'environnement sur Eden. Cela dit, comme c'est souvent le cas dans la vague djent, les textes restent assez ouverts quant à leur interprétation.
      La production est assurée par les six mains d'Acle Kahney, Amos Williams et Francesco Camelli, le tout principalement dans le home-studio du premier, sauf pour les pistes de batterie. On remarque que, malgré la précision que demande les compositions, l'album sonne assez organique et naturel. Le mixage et le mastering sont d'ailleurs assez modestes, allant à l'encontre de la "guerre du volume", qui voudrait qu'un album sonne lourd et fort. Enfin, on remarque l'effort pour faire ressortir la section rythmique, notamment la basse à qui on laisse un espace large.

      Finalement, rien qu'avec One, Tesseract parvient à se démarquer assez vite des autres pointures de la vague de metal progressif moderne, grâce à une direction bien plus atmosphérique et mélodique. Cette démarcation tient encore puisque les anglais finissent par retirer presque intégralement toute forme d'agressivité telle que le chant hurlé ou les riffs inquiétants dans leurs productions suivantes. Heureusement, ils ne tombent en rien dans la facilité et la mièvrerie, les rendant intéressants, prenants et efficaces.

dimanche 30 octobre 2016

Chronique : "Hybrid Theory" de Linkin Park

Les années 2000 constituent un tournant pour le nu metal. Ce sous-genre qui a déjà quelques années d'existence voit un certain nombre de groupes se bousculer au portillon pour rejoindre ses rangs, entre les pionniers qui cherchent à subsister, les anciens issus d'autres tendances qui s'y faufilent discrètement et les nouveaux groupes qui apparaissent. Parmi ces derniers, il y en a un qui ne passe pas inaperçu pour le nouveau souffle qu'il apporte. Avec leur premier album, "Hybrid Theory", Linkin Park met tout le monde d'accord avec un brillant mélange de metal et de rap, le tout teinté d'electro.


        Pour ceux qui ne connaissent Linkin Park qu'à travers leurs derniers efforts, sachez que vous vous trompez si vous croyez qu'ils ont toujours été un simple groupe de rock avec quelques onces d'originalité. En effet, la formation a d'abord mis le nez dans un rap metal efficace et éclectique, tirant notamment parti de la complémentarité des capacités et des influences de ses membres. On se retrouve ainsi avec des compos assez riches en éléments divers, quoiqu'on pourra regretter les structures qu'elles proposent. En effet, le groupe nous ressert souvent le même schéma couplet-refrain-pont dans un format type radio. Cependant, cela est équilibré par la variété des dynamiques et des performances vocales d'un morceau à un autre ou au sein d'un même titre. Justement, une des grandes forces de Linkin Park réside dans la diversité de la palette vocale et la complémentarité des deux chanteurs. Là où Mike Shinoda délivre un chant rappé au flow imparable, faisant de lui un parfait MC en concert, Chester Bennington sait alterner brillamment un chant clair à différentes nuances, du plus apaisé (les couplets de Crawling, Pushing Me Away) au plus agressif (With You, le refrain de Points Of Authority), avec les hurlements déments (One Step Closer, By Myself, A Place For My Head) et les quelques supports pour Shinoda (Papercut, Forgotten). Au niveau instrumental, que ce soit au niveau des guitares ou de la section rythmique basse-batterie, la composition est assez simple, voire simpliste, diront les plus réticents. Mais cela ne manque pas d'efficacité dans les passages les plus agressifs et de musicalité dans ceux les plus calmes, les musiciens sachant parfaitement doser et enchaîner les dynamiques. Nu metal oblige, Linkin Park inclue parmi ses membres le DJ Joseph "Joe" Hahn, qui sait placer les scratchs et autres effets électroniques aux bons moments et se paie même le luxe d'assurer le titre instrumental Cure For The Itch à lui tout seul, lorgnant vers la hip-hop atmosphérique.
        Les choses se corsent cependant quand il s'agit d'aborder les paroles. Les lignes de Shinoda ont le mérite de sortir des sentiers battus pour être très introspectives et plus abstraites et recherchées que la moyenne. En revanche, celles de Bennington, très influencées par le mal-être du grunge, ont tendance à sonner un peu réchauffées et cliché, ne les rendant pas forcément convaincantes, surtout quand elles sont alliées à des mélodies pas toujours réussies (One Step Closer en tête). Le tout aborde des thèmes personnels, tendant vers la vulnérabilité (Crawling, Pushing Me Away) ou la force (Points Of Authority, A Place For My Head).
        Le producteur Don Gilmore a assuré pour sa part un son soigné et suffisamment dosé pour laisser la musique transmettre son efficacité. Ni artificiel, ni bâclé, le rendu sonne spontané et direct.

        En bref, le premier album de Linkin Park est une petite perle d'efficacité et d'éclectisme qui donne un nouveau souffle à la scène nu metal et qui promet au groupe californien une bonne carrière. Je ne cache pas le fait qu'il m'a fallu un peu de recul pour écrire cette chronique, étant donné que je connais ce groupe depuis mon plus jeune âge. Qu'à cela ne tienne, j'espère, comme ce fut mon cas, qu'il pourra être pour les curieux une première étape dans la découverte progressive de l'univers du metal.

jeudi 27 octobre 2016

Chronique : "Equinox" de Northlane et In Hearts Wake

C'est par un moyen quelque peu détourné que je mets sur pied cette chronique, puisque je ne possède pas l'EP en question, mais j'ai bien profité de la mise en ligne sur Youtube de la vidéo officielle qui l'accompagne. Je connais peu l'un, encore moins l'autre : cette chronique aura un œil naïf et ne se base sur la connaissance que d'extraits des productions précédentes.
        Mais resituons un peu les choses : Northlane et In Hearts Wake sont deux groupes australiens qui jouent peu ou prou dans le même terrain. En l'occurrence, ils jouent à peu de choses près le même metalcore progressif et atmosphérique, dans la veine de la scène djent. Après avoir écumé des tournées communes, il paraissait logique qu'ils pondent l'EP de trois titres Equinox en 2016, fruit d'un travail collaboratif entre l'ensemble des membres des deux groupes et dont le rendu est franchement convaincant.



          A priori, rien de très original : on se sent en terrain connu entre l'alternance de chant hurlé et de chant clair, les riffs groovy, les mélodies entraînantes et les atmosphères lumineuses. Mais force est de constater que l'alchimie marche parfaitement. Le rendu est extrêmement puissant, soutenu par une production bien menée et on se laisse emporter par la tempête annoncé dès l'intro du premier titre.
        Justement, Refuge ouvre le bal toute en puissance, mené d'abord par la voix rauque et saturée de Jake Taylor (In Hearts Wake). S'en suit une alternance de passages plus calmes et plus atmosphériques qui mènent rapidement au refrain du titre aux accents fatalistes. L'alternance entre le calme et la tempête est bien géré, sans niaiserie et sans surenchère. Quant aux paroles, elles font écho à la situation actuelle des réfugiés politiques, mais d'un point de vue davantage humain que politique.
        Entre les deux morceaux principaux, Equinox est un interlude ambiant qui opére une jolie transition vers Hologram, qui laisse plus d'espace au chant de Marcus Bridge (Northlane), autant pour ses hurlements torturés que ces mélodies vocales bien ficelées. Titre au rendu très "meshuggesque" et futuriste, il renvoie à une société apeurée et devenue paranoïaque, ne manquant pas de faire un clin d’œil au 1984 d'Orwell.
          En bref, ce petit EP est remarquable par l'alchimie qu'il opère et la puissance qui s'en dégage.

jeudi 20 octobre 2016

Chronique : Slipknot

Après quelques démos et une petite réputation dans leur ville de Des Moines, dans l'Iowa, 1999 est une année charnière pour le gang masqué de Slipknot, qui sort son premier album, lui permettant de s'imposer comme l'un des groupes de nu metal parmi les plus extrêmes.

  
        A l'écoute de ce premier album, on comprend rapidement que la dentelle n'est pas le maître-mot derrière le style de Slipknot. On a effectivement affaire à un metal nerveux, chaotique et sans concessions, mené par un groupe inquiétant et très complet. L'instrumentation est assez atypique, puisqu'en plus du conventionnel chanteur, duo de guitaristes, bassiste et batteur, Slipknot ajoute à ça deux percussionnistes, cognant sur des toms fabriqués de leurs propres mains pour redoubler la violence de la musique ; ainsi qu'un DJ et un sampler/claviériste, accentuant l'atmosphère malsaine autour de scratchs et autres effets sonores. Niveau composition, on trouve deux dynamiques principales : les morceaux purement furieux et teintés de rythmiques accrocheuses ( (sic), Eyeless, Liberate) et ceux plus lents, plus atmosphériques et torturés (Tattered & Torn, Prosthetics, Scissors). Niveau guitares, leur jeu est évidemment assez brutal, faits principalement de riffs lourds et Groove : groovy. On note également un côté assez expérimental, notamment à travers les sons de Mick Thomson, aux allures bruitistes et malsaines (les intros de Surfacing et Prosthetics). Cela créé un équilibre avec le jeu un peu plus conventionnel de Josh Brainard, remplacé par Jim Root vers la fin de la période d'enregistrement. Quant à la section rythmique, on se doute bien qu'elle est surpuissante. Joey Jordison, le batteur, enchaîne les rythmiques nerveuses et rend largement compte de sa maîtrise de la double pédale. On laisse également un certaine espace aux lignes de basse de Paul Gray, qui collent parfaitement à l'atmosphère globale de l'album. Enfin, la palette vocale de Corey Taylor fait preuve de variété. En plus de ses hurlements déments et bestiaux, il possède également un chant mélodique de qualité (Wait And Bleed, Purity, Me Inside), une étonnante capacité à rapper (Spit It Out, No Life) et une voix parlée complètement torturée (l'entrée en scène sur Scissors). On est d'autant plus impressionné quand on constate la manière dont il peut exécuter, voire combiner ces techniques.
        Le propos des morceaux est à l'image de l'album : chaotique. Il se voit traverser par des sentiments tels que la colère et la misanthropie pour les morceaux les plus nerveux ; la psychose et la dépression et l'horreur pour ceux les plus lents. A noter la provocation permanente des paroles à travers les injures en grand nombre (Eyeless, le refrain emblématique de Surfacing) et les images frappantes (Wait And Bleed, Scissors).
        Quand on sait que l'album a été enregistré et mixé dans le studio de Ross Robinson à Malibu avec des moyens entièrement analogiques, mettant de côté les technologies de pointe, on comprend pourquoi il sonne très organique et sale. Robinson souhaitait en effet capter l'énergie qui se dégageait des concerts de Slipknot. En plus de rendre le propos très spontané et sans détour, il est parvenu à construire une atmosphère pesante et malsaine sur tout l'album. A noter une exception : Spit It Out a l'air de sortir tout droit d'une démo de 1998 produite par Sean McMahon au SR Studio de Des Moines, possédant alors un son assez différent du reste. Qu'à cela ne tienne, le rendu reste toujours aussi sale et colle parfaitement à la globalité de l'album.
        J'en profite pour toucher un mot sur l'image de Slipknot : vous aurez remarquer sur la jaquette ci-dessus que l'une des particularités du groupe est de porter des masques et des costumes qui évolueront au fur et à mesure de leur carrière. S'il y a plusieurs raisons à cette pratique, on notera qu'elle participe grandement à l'atmosphère qui règne autour de leur musique.

       En bref, le premier album de Slipknot est une bombe d'efficacité et de violence malsaine, prête à l'époque de sa sortie à tout rafler sur la scène nu metal qui devait paraître alors bien sage. On peut supposer que cela a ainsi permis à divers amateurs du sous-genre de se tourner vers des groupes plus extrêmes, comme ce fut mon cas soit dit en passant.

mardi 16 août 2016

Chonique : Periphery

Periphery est un groupe de metal progressif formé en 2005 à Washington D.C. sous la houlette du musicien/producteur Misha Mansoor, ayant fait ses premières armes en solo sur le net sous le pseudonyme "Bulb", faisant de lui par ailleurs l'un des fers de lances de la scène "djent", désignant divers groupes et artistes de metal progressif moderne principalement influencés par Meshuggah, comptant ainsi Tesseract, Monuments, Vildhjarta et j'en passe. Ayant déjà écumé les tounées et après quelques problèmes de studio et de line-up, Periphery parvient à sortir son premier effort en 2010.


         La barre est placée assez haute pour un premier album. Il faut dire que la grande majorité des morceaux présents sur l'album est issue de démos enregistrées par Mansoor et ayant déjà émergées sur le net. On a affaire à un metal extrêmement technique, faisant part aux rythmes saccadés et aux structures alambiquées. L'oreille avertie constatera qu'on distingue les morceaux utilisant les guitares à six cordes et ceux utilisant celles à sept cordes. Les premiers mettront en avant la rapidité d’exécution et l'enchaînement supersonique de notes (Insomnia, Buttersnips), les autres feront la part belle au groove et aux ambiances. La section rythmique basse/batterie est là pour appuyer les rythmes complexes et permet de nous rendre compte des déstructurations. On remarque également une section atmosphérique assurée par certains leads (The Walk, Light), les guitares claires (Jetpacks Was Yes!, Icarus Lives!) ou encore les quelques éléments électroniques (Letter Experiment). On trouve d'ailleurs de nombreuses interludes entre les morceaux, assurées par Jake Bowen, l'un des guitaristes du groupe, aux allures ambient et downtempo. Metal progressif oblige, les solos sont bien présents et brillamment exécutés, et ont une bonne balance entre technicité et musicalité. A noter d'ailleurs celui de Jeff Loomis, officiant auparavant dans Nevermore et actuellement en solo et dans Arch Enemy, sur la longue conclusion qu'est Racecar. Les lignes de voix alterne sans cesse entre un chant hurlé assez monotone, quoique collant bien au propos, et un chant clair haut perché typé metalcore , renforcé à coup d'Auto-tune discret, qui fera donc difficilement l'unanimité. Les compositions sont plutôt bien ficelées, comme la composition de l'album l'est, même s'il n'y a pas réellement de fil conducteur.
         Il n'y a d'ailleurs pas de thème prédominant dans l'album, les paroles restant assez abstraites et libres d'interprétation. On peut quand même relever quelques références à la mythologie grecque (Letter Experiment, Icarus Lives!) et quelques lignes qui inspireront les plus geeks d'entre nous (Jetpacks Was Yes! qui évoquent le point de vue d'un immortel comme seul survivant humain, Buttersnips qui décrit une invasion zombie, le tout selon les dires du chanteur Spencer Sotelo).
          La production est entièrement assurée par Misha Mansoor, l'album ayant été même entièrement enregistré dans sa chambre/home-studio. Le son, notamment celui des guitares, n'est pas très massif, laissant assez d'espace pour une grande précision rythmique. Il est ainsi également très mécanique, dû probablement à l'enregistrement au riff par riff pour atteindre une grande précision, et également par le fait que la batterie ne soit pas acoustique mais largement échantillonnée. Matt Halpern a effectivement exécuté ses parties sur une batterie électronique, déclenchant des samples à chaque frappe.

         Periphery a ainsi produit un album extrêmement technique et précis, quasi mécanique, ce qui peut rebuter l'auditeur, trouvant alors un manque d'authenticité, et même de personnalité s'il fait le rapprochement évident avec Meshuggah (metal extrême et déstructuré, production chirurgicale...). On pourrait même voir de l’esbroufe derrière une telle performance, remise en cause par sa production mécanique. Bien qu'on puisse constater dans cet album un certain manque de fond, on pourra remettre en question ces critiques par la qualité de la composition, qui amène une certaine musicalité au propos et s'éloignant de Meshuggah par son côté beaucoup plus mélodique ; et la qualité des performances live, trouvables sur internet, qui montre que le groupe sait et peut faire ce qu'il fait.

dimanche 14 août 2016

Chronique : "The Way Of All Flesh" de Gojira

Sans plus attendre, pour ouvrir ce blog, j'ai pensé vous parler d'un de mes groupes fétiches qui n'a pas fini de faire parler de lui : les petits français de Gojira.
        Largement connu des amateurs du genre, ce groupe formé en 1996 à Ondres, dans les Landes, s'est forgé une solide réputation, à la limite d'être le groupe de metal français le plus célèbre au monde. Dans une moindre mesure, on connait Gojira comme un "groupe écolo", notamment par le soutien qu'ils portent à divers associations comme Sea Shepherd. Mais leur renommée est surtout due à leur death metal au style très personnel, loin des canons du genre.


        The Way Of All Flesh, leur quatrième album, sorti en 2008, ne fait pas exception à la règle. Produit par Joe Duplantier, le leader du groupe, on a affaire à un metal puissant et précis où rien n'est laissé au hasard. Là où un groupe de death metal "classique" se contenterait de distiller des riffs lourds mais monotones, Gojira joue la carte du technique et du groove, avec des riffs carrés ponctués d'effets bien placés. Supportés par le jeu de batterie varié de Mario Duplantier, The Way Of All Flesh est fort de compositions efficaces et bien ficelées. On a également droit à quelques passages épiques (le "refrain" de The Art Of Dying) et d'idées originales, presque expérimentales (le combo synthé/vocoder sur l'intro de A Sight To Behold, le chant de gorge à l'atmosphère mystique sur The Art Of Dying, l'effet "guitare inversée" dans l'outro de Esoteric Surgery), sans compter les ambiances planantes disséminées dans l'album. Joe Duplantier délivre également une palette vocale variée : le chant vraiment guttural typique du death metal est finalement peu présent, laissant surtout place à un chant très saturé et venant des tripes. En plus de cela et de quelques apparitions de chant clair (Oroborus, The Way Of All Flesh), le leader n'hésite pas à mélanger chant saturé et clair dans un seul souffle, rappelant la voix puissante de Devin Townsend ou les quelques envolées de Randy Blythe de Lamb Of God (qui apparaît même sur Adoration For None), quoiqu'en plus puissant.
        Gojira sait également renouveler le death metal par les thèmes des morceaux. L'album est principalement traversé par le concept de la mort, mais traitée de manière abstraite et spirituelle, contrairement à la majorité des groupes qui l'auraient fait sans doute de façon concrète et morbide. On trouve également les idées de lien avec la nature (Adoration For None), de cycles naturels et de renaissance (Oroborus, Esoteric Surgery) et un peu d'écologie (Toxic Garbage Island).
        Le tout est au service d'une production soignée, essentiellement assurée par le groupe lui-même, permettant d'apprécier à la fois la lourdeur et la précision de la musique. A noter que les parties de batterie ont été enregistrées à Los Angeles, sous la houlette de Logan Mader, producteur et ancien guitariste de Machine Head, qui se charge également du mixage et du mastering.
         En résumé, Gojira nous sert dans The Way Of All Flesh un death metal profond, lourd et technique, fourmillant de bonnes idées et loin des clichés du genre.