mercredi 12 décembre 2018

Billet d'humeur : la folie

Vous l'avez compris, sur Wormcore, on aime les termes larges comme le monde. La folie ne fait clairement pas exception à la règle. Maladie mentale, état second momentané, esthétique musicale particulière : la folie peut être un terme un peu fourre-tout. Puisque nous ne faisons pas une dissertation de philosophie, autant profiter de cette polysémie pour en tirer des morceaux qui s'en rapportent. La musique et surtout le metal ne peuvent clairement pas passer à côté de ce thème, autant pour faire comprendre ce que représente cet état que pour s'en inspirer esthétiquement. Comme d'habitude, nous nous intéresserons à trois groupes qui prennent le thème sous des angles différents.
        J'en avais déjà parlé dans une précédente chronique : Iowa de Slipknot, tiré de l'album du même nom, est un bon représentant d'une démence dérangée et dérangeante. Musicalement, tout est réuni pour susciter le malaise : les montées de parties sombres jusqu'à des explosions de fureur, les bruitages inquiétant ou encore le chant déséquilibré de Corey Taylor. Quant au propos du morceau, Taylor l'explique volontiers durant une séance de questions/réponses. Pour faire court, Iowa est écrit du point de vue d'une personne s'amusant avec des cadavres. Encore une fois, je vous laisse également le soin de découvrir par vous-mêmes comment s'est déroulé l'enregistrement de ce morceau. En tout cas, le résultat est probant.


        C'est également la deuxième fois que j'aborde le groupe Whitechapel, dont la réputation de pilier du deathcore et du death metal moderne n'est plus à prouver. Parmi les méfaits incontournables du groupe, I, Dementia, extrait de leur album éponyme, fait preuve d'une finesse assez remarquable malgré la brutalité apparente du morceau, à la dynamique plutôt lente et sombre. Fondamentalement, il s'agit d'un dialogue entre deux entités : un être qui fait face à la "démence" qui le ronge et le plonge dans une grande détresse. Cela est d'ailleurs très bien illustré dans la vidéo promotionnelle du morceau. Mais un détail saute à l'oreille : même si l'on sait que Phil Bozeman est capable de prouesses techniques, il ne se sert pas de sa voix pour différencier ces deux entités. Les seules modulations ou autres variations à son growl habituel qu'il apporte ne font que suivre la dynamique du morceau. J'ignore si cela est prémédité, mais force est de constater que cela donne un effet assez intéressant au morceau : malgré l'apparent dédoublement opéré par les paroles, on a l'impression que c'est une même voix qui supplie son bourreau de l'épargner, comme si ce bourreau était justement cette même voix. C'est d'ailleurs ce que suggèrent certaines lignes : I, Dementia montre à quel point l'être humain est capable de se torturer lui-même l'esprit et s'entraîner vers son auto-destruction.


        Quoi de mieux pour conclure qu'un groupe dont le nom signifie "cinglé" ? En tout cas, ce serait la traduction depuis le yiddish du mot Meshuggah, qui a donné son nom à un groupe suédois qu'on ne présente plus. Cependant, pour ceux qui ne les connaîtraient pas, la formation est connue pour son sens de l'expérimentation et de la déstructuration. Ils ont même influencé toute une scène qui remplit une bonne partie des pages de Wormcore : je parle bien entendu du djent. Rational Gaze de l'album Nothing est d'ailleurs l'un des titres les plus représentatifs du style de Meshuggah, avec ces guitares accordées presque comme des basses, ses rythmiques syncopées, mécaniques et saccadées ainsi que son solo improvisé et hypnotique. Mais le plus intéressant réside dans le paradoxe du morceau entre la folie et la raison. De la même manière que l'apparente déstructuration musicale relève d'une bonne finesse de composition, il est amusant de constater qu'une voix aussi dérangée que celle de Jens Kidman incite l'auditeur à avoir un "regard rationnel", un œil affiné qui permettrait de ne pas se laisser piéger par les apparences.


        Comme d'habitude, il y a beaucoup de manières de voir la folie dans le metal et la musique et cet article n'est qu'un échantillon de ce que l'on peut trouver dans la sphère du genre. Finalement, comme d'autres thèmes, cet article aura évidemment une suite.
        Merci à Duane G. pour l'inspiration de ce thème !