mercredi 12 septembre 2018

Billet d'humeur : le suicide

Le suicide est un thème particulièrement sensible, surtout quand on sait que la santé mentale est un enjeu préoccupant dans une société qui a tendance à ne pas épargner les plus fragiles. En tant qu'auditeur, je vois personnellement la musique et l'art en général comme des moyens de connaissance en plus d'être des moyens de divertissement. Une œuvre peut en effet apporter un certain savoir sur un objet en particulier. La différence avec la science est que l'art n'exprime pas ce savoir rationnellement mais intuitivement et émotionnellement. Le metal étant friand des thèmes les plus extrêmes et dérangeants, le suicide ne fait pas exception à la règle. Pour certains, il peut même s'agir d'une sorte d'aide ou de refuge : faire l'expérience d'une œuvre qui traite de son mal-être peut permettre de reconnaître, voire de mettre des mots sur ce problème, ce qui est un premier pas vers sa résolution. Ainsi, nous verrons ce que le metal et la musique ont à dire du suicide.
         Encore une fois, le metal aime ne pas faire dans la dentelle quand il s'agit de traiter les thèmes les plus difficiles. Le black metal est un bon représentant de ce genre de traitement. En l'occurrence, pour le thème du suicide, on lui a carrément dédié un sous-genre qu'est le DSBM pour Depressive and Suicidal Black Metal ("black metal dépressif et suicidaire"). Un des groupes phares de cette tendance est Silencer, un duo qui montre le thème qui nous intéresse sous un aspect morbide et extrême. Je vous épargnerai bien des détails sur la manière dont l'album Death - Pierce Me, dont est issu le morceau Sterile Nails and Thunderbowels, a été enregistré, ainsi que sur les frasques psychiatriques du chanteur Nattramn. Sachez cependant qu'il est marqué par une atmosphère pesante et dérangeante créée par les riffs mélancoliques et la dynamique souvent très lente du morceau, jusqu'à l'explosion de folie finale. Mais ce qui marque, c'est surtout le chant de Nattramn, entre le grognement typique du black metal qui fait ressentir un dérangement mental et les cris aigus et perçants qui expriment une souffrance extrême. Silencer a ainsi choisi la voie de la folie doublée d'un certain désespoir pour représenter le thème du suicide.


        Beaucoup moins morbide, mais tout aussi percutant, Chimaira aborde le suicide par ce qui semble être un cri d'alarme dans Nothing Remains, extrait de leur album éponyme qui aura bientôt sa chronique dans Wormcore. Les paroles de ce morceau sont écrit du point de vue d'un homme sur le point de se donner la mort et s'adressant à ses proches, leur montrant qu'il a toujours caché ses envies suicidaires et qu'il n'a désormais plus rien à perdre. Ces lignes sont portées par une instrumentation à la dynamique globalement soutenue, surtout par les motifs typiques du death et du thrash metal, qui représente bien l'urgence de la situation et l'imminence du passage à l'acte. La dégradation de l'état du personnage est enfin bien représentée par la voix de Mark Hunter qui devient de plus en plus folle dans les dernières lignes de chant. En somme, Nothing Remains livre la vision d'un passage à l'acte violent, urgent et désespéré.


        Dans la lignée des morceaux-coups de poing sur ce même thème, J'appuie sur la gâchette fait partie de ces morceaux au ton grave de Suprême NTM qui troquent l'intensité de leur musique pour la lourdeur du thème traité. Ainsi, l'instrumentale du morceau est très tranquille, à l'atmosphère sérieuse et mélancolique, et aux influences reggae. Le morceau alterne entre les lignes parlées de Joeystarr et celles rappées par Kool Shen, et l'ensemble du texte très introspectif est celui d'un homme faisant le bilan de sa vie toujours marquée par la dépression, les problèmes personnels et la pression de la société. On remarquera à la fin du morceau la brève accélération du débit de Kool Shen, rappelant certainement le trop-plein de pensées qui passe par la tête d'une personne aux envies suicidaires. J'appuie sur la gâchette montre le suicide dans ce qu'il a de plus concret et déroule certaines causes qui pousseraient au passage à l'acte. Son aspect a priori dépouillé par rapport à ce que peut faire habituellement Suprême NTM laisse en fait place à une certaine lourdeur.


        Au bout du compte, ces trois morceaux montrent que le thème du suicide peut être traité de manière directe et franche afin de bien saisir ses enjeux. On pourrait remettre en question le bien-fondé de cette manière de faire, notamment quand on voit que Silencer aborde le thème de façon morbide, comme si le suicide pouvait devenir une sorte de fascination. Il faudrait cependant prendre un peu de recul sur la chose pour se rendre compte de ce à quoi fait appel des pensées suicidaires, car on peut très bien imaginer qu'une personne suicidaire éprouve une fascination morbide pour un tel passage à l'acte. La manière dont Silencer traite le thème est une sorte de provocation au même titre que ce que font Chimaira et Suprême NTM : il s'agit de montrer la situation de manière directe pour éveiller les consciences. Il y a certainement d'autres façons de faire et je les évoquerai certainement dans un prochain article sur le thème. N'oubliez pas de vous-mêmes chercher de l'aide si des pensées suicidaires vous traversent l'esprit.

        Merci à Joanna J. pour la suggestion de ce thème !