mercredi 17 octobre 2018

Chronique : "Outside the Box" d'Hacktivist

Il suffit d'une simple idée a priori tordue pour qu'un groupe trouve l'étincelle qui le fera exploser. C'est peu ou prou ce qui a mené à la formation du groupe Hacktivist, qualifiée de "hasard extraordinaire" par le guitariste, producteur et membre fondateur Timfy James. Alors qu'il venait tout juste de quitter Heart of a Coward et qu'il travaillait sur de nouvelles productions, celles-ci ont attisé la curiosité du rappeur Jermaine Hurley, issu plus précisément de la scène grime, qui proposa à James de poser quelques mesures sur l'instrumentale. S'en suit la réunion d'une formation complète, la sortie d'un EP et la chance d'écumer les tournées un peu partout en Europe ainsi qu'un passage par l'Australie. Ce n'était qu'une question de temps avant que n'arrive le premier album du combo, Outside the Box, sorti en 2016. En plus de s'imposer comme le premier groupe à mélanger les riffs syncopés et déstructurés du djent avec le grime, les Anglais proposent une musique servant un propos plutôt pugnace.


        Au premier abord, ce qui frappe dans cet album est son hétérogénéité. Si le disque baigne dans son ensemble dans une atmosphère cohérente, il présente une certaine variété. Certes, la structure des morceaux repose généralement sur le schéma classique couplet/refrain. Mais la force de l'album est qu'il donne rarement l'impression d'écouter deux fois le même morceau en faisant varier les dynamiques et les tonalités. Cela s'explique également par la fusion de genres divers qu'exploite le groupe. Du djent et du metalcore, on retrouve les riffs syncopés associés aux motifs rythmiques à tempo modéré, donnant parfois lieu à des breakdowns et des grooves taillés pour les concerts (Hate, Buszy). On trouve également quelques passages plus atmosphériques (Deceive and Defy, The Storm, Elevate), voire épiques (Outisde the Box qui comprend le seul solo de guitare de l'album, The Storm II). Les contributions vocales typées metalcore/djent sont également présentes. Si Ben Marvin est le hurleur attitré de la formation, on entend également la géniale apparition de Jamie Graham de Heart of a Coward sur Deceive and Defy. Le chant clair est quant à lui assuré par Timfy James, livrant parfois de jolies surprises (No Way Back, The Storm II). Sur Taken, c'est Rou Reynolds d'Enter Shikari qui s'en charge. Le côté rap et grime, quant à lui, se manifeste dans les  lignes vocales de Jermaine Hurley et Ben Marvin qui proposent des textes techniques sans être trop démonstratifs et qui livrent une performance parfois vraiment agressive (No Way Back, False Idols, Elevate). Les tempos choisis ainsi que l'emploi occasionnelle et bien sentie d'une instrumentation électronique (l'intro de Hate, The Storm) sont aussi des traits qui renvoient aux influences grime d'Hacktivist. On notera au passage un morceau qui se démarque parfaitement du reste : Rotten, en collaboration avec Jot Maxi et les Astroid Boys, seul titre hip-hop de tout l'album. Le reste de l'album se présente comme du rap/djent produit de manière propre, claire et carrée.
        On aurait presque tendance à dire qu'Hacktivist est un dérivé moderne du nu metal à la Korn, Limp Bizkit ou Linkin Park. Bien que ce genre d'influence doit être présente, on devrait surtout penser à un groupe comme Rage Against the Machine, prêt à en découdre avec les maux de la société. Le titre Outside the Box, littéralement "hors de la boîte" ou plutôt "hors du cadre", est à voir sous plusieurs angles et correspond tout à fait à l'état d'esprit de l'album. Influence hip-hop oblige, l'album n'est pas exempt d'ego-trips, mais ceux-ci ont généralement trait à l'initiative du groupe de fusionner divers genres musicaux (Hate, Deceive and Defy, Outside the Box, Buszy) ainsi qu'à leur capacité à être eux-mêmes des sortes de lanceurs d'alerte, un thème qui traverse peu ou prou l'ensemble de l'album. Ainsi, No Way Back montre entre autres les inégalités et les divisions qui se creusent à l'échelle du globe, False Idols et Elevate ironisent momentanément sur la vente d'armes à feu ou Rotten décrit une société dystopique telle qu'on la conçoit dans les romans de science-fiction mais qui devient réelle. Outside the Box voit alors deux interprétations importantes : Hacktivist pensent hors du cadre à la fois en mélangeant des traits musicaux de manière originale ainsi qu'en se plaçant hors du cadre de la société. La seule exception majeure de l'album est le morceau Taken, aux accents plus personnels et poignants, qui traite de la perte de proches, mais toujours sous le même esprit combatif qui règne dans l'album.

        La force de ce premier album d'Hacktivist est finalement de présenter une musique bien composée, rassemblant très bien les différentes influences du groupe et sonnant aussi bien comme leurs homologues de Periphery ou Tesseract que les grands noms du grime et du hip-hop. On ajoutera évidemment à cela l'état d'esprit provocateur et combatif du groupe, toujours prêt à changer les choses de manière positif. A l'heure où j'écris cet article, cependant, on peut se demander ce qu'il en sera de l'avenir musical du groupe étant donné que Ben Marvin et même Timfy James ont tous les deux quitté le groupe il y a peu. Bien que l'un d'entre eux ait été remplacé et que la nouvelle formation soit actuellement en studio, on peut se demander ce que vaudra cette nouvelle mouture du combo. A suivre...