mercredi 13 septembre 2017

Chronique : "Pass Out Of Existence" de Chimaira

Formé en 1998 à Cleveland, dans l'Ohio, Chimaira est un grand nom de la New Wave Of American Heavy Metal des années 2000. Mais avant d'exploser, le groupe a connu bien des années de galère. Après quelques démos et un EP enregistré avec les moyens du bord, le groupe parvient à se faire connaître pour être signé chez la grosse écurie Roadrunner Records et sortir leur premier album en 2001. Pass Out Of Existence n'est pourtant pas l'album qui aura réellement permis à Chimaira de percer : les critiques les moins tendres les voient comme un "Korn du pauvre" et le combo lui-même a tendance à bouder ce premier essai. En termes de composition et de production, il est clair que Pass Out Of Existence est une exception majeure dans la discographie des américains.


        Contrairement à la majorité des albums de Chimaira, cet album a été enregistré dans le studio Third Stone de North Hollywood, en Californie, sous la houlette d'Andrew Murdock, connu pour avoir souvent collaboré avec Godsmack, un groupe de nu metal du début de la décennie. Si je cite ce groupe, c'est justement parce que l'étiquette "nu metal" est loin d'être impertinente en écoutant l'album. Si la production n'est pas aussi sale qu'un album de Slipknot, elle présente un son de guitares sous-accordées aussi tranchant que ronflant, une batterie mécanique mais de bonne augure, et surtout une grande mise en avant des samples et effets électroniques, relayant presque les autres instruments au second plan et rendant ainsi le résultat probablement moins percutant que ce qu'il aurait dû être. Concernant la composition, les morceaux ont le mérite d'être efficaces, très focalisés sur les tempos moyens, mais comprenant quelques accélérations (Let Go, Lumps), autant que de jolis ralentissements (les conclusions de Severed et Sphere). Mais la dynamique principale, marquées de riffs graves et syncopés, tendent justement à voir en Chimaira une version metalcore de Korn boostée aux samples industriels à la Fear Factory. En parlant des effets électroniques, en plus du mixage qui leur laissent un certain espace, certains titres présentent des passages purement dominés par ces arrangements, sans guitares et sans hurlements (l'intro de Dead Inside, le pont de Pass Out Of Existence, la toute fin de Jade). L'alternance entre les dynamiques, surtout celles du chant, penchent également en faveur de l'étiquette "nu metal" : si Mark Hunter délivre principalement des hurlements intenses, il s'illustre également par son chant clair proche de celui de Chino Moreno des Deftones (Dead Inside, Sp Lit, Taste My...) et surtout son chant rappé et murmuré rappelant forcément Corey Taylor de Slipknot (le phrasé de Painting The White To Grey ressemble énormément à celui de Purity). On note au passage la présence de Stephen Carpenter, guitariste des Deftones, sur Rizzo.
        L'expérience laisse-t-elle pour autant à désirer ? Y a-t-il quelque chose à tirer de cet album ? Il permet d'abord de voir d'où vient Chimaira, un groupe qui a certes du mal à démarrer mais qui s'annonce prometteur. Il est simplement pénalisé par la noyade des morceaux dans des influences plus ou moins voulues, le combo peinant alors à faire émerger une véritable identité musicale. Et si l'expérience n'est pas vraiment originale, elle vaut le coup d'oreille. L'atmosphère générale de l'album est sombre et froide, presque étouffante. On relève forcément le côté futuriste grâce à l'apport des samples. L'essentiel est de servir des textes personnels et variés. La plupart sont défaitistes, voire dépressifs et suicidaires (Lumps, Pass Out Of Existence, Painting The White To Grey, Sphere), à la voix introspective ou s'adressant à un tiers. Certains sont cependant plus offensifs et contribuent à l'efficacité des morceaux (Sp Lit, Rizzo, Forced Life). Finalement, on perçoit principalement l'expression d'une individualité envahie par la frustration et par le sentiment d'être seule et différente par rapport au monde qui l'entoure, des sentiments très bien exprimés par le morceau de conclusion, Jade.

        Pour certains, Pass Out Of Existence a l'air d'être un coup manqué pour Chimaira, la faute à un manque d'originalité et de mordant. Pourtant, il y a du bon à prendre de son côté froid et de son grand mélange d'influences, qu'elles soient volontaires ou non. Certains titres de l'album annoncent d'ailleurs ce que va devenir musicalement Chimaira pour les prochains albums : on pensera surtout à Severed, un morceau joué systématiquement en concert depuis la sortie de ce premier jet.