jeudi 28 décembre 2017

Chronique : "This Means War" d'Attack Attack!

Bon nombre de groupes suscitent débat quant à leur qualité musicale. Attack Attack!, originaire de Columbus dans l'Ohio, est justement ce genre de groupes que l'on aime ou que l'on déteste. La cause : un metalcore boosté aux synthés, Auto-tune et autres boîtes à rythmes venus tout droit de la musique électronique dansante. De quoi susciter l'admiration des amateurs de musique adolescentes en tous genres et la moquerie des puristes à l'esprit conservateur. Cependant, la musique d'Attack Attack! a fortement évolué depuis le délire "crabcore" pour lequel la formation est conspuée, une évolution due notamment aux changements de line-up récurrents. This Means War, le troisième et dernier album du groupe avant sa séparation, n'a plus grand chose à voir avec le son des débuts. Sorti en 2012, il s'agit du disque le plus brutal et le plus abouti du groupe qui pourrait le réconcilier avec certains détracteurs.


        Produit par le chanteur Caleb Shomo dans son home-studio, l'album est même quelque peu annonciateur du projet Beartooth que formera Shomo après son départ d'Attack Attack!. Qu'en est-il exactement ? J'entends par là un metalcore aux rythmiques très appuyées et syncopées. La principale différence reste les quelques synthés encore présents pour pimenter un peu le propos (la transition entre The Betrayal et The Hopeless, le pont de The Motivation, le basses typées dubstep dans The Confrontation). Autre aspect accessible qui, en revanche, restera dans Beartooth : le chant mélodique de Shomo sur la plupart des refrains, une première pour ce dernier qui se bornait auparavant aux hurlements. S'il s'avérait qu'un Auto-tune était appliqué sur sa voix, celui-ci doit être suffisamment discret pour ne pas être dérangeant. Pour le reste, le son est explosif et lourd. On passe régulièrement d'une vitesse exacerbée, soutenue par des motifs de batterie typiques du hardcore ; à un tempo plus modéré qui fait la part belle aux rythmes syncopés. D'ailleurs, on peut clairement sentir l'influence de la montée du mouvement djent comme en témoigne l'accordage des guitares au ras du sol et l'emploi de riffs presque élastiques (le premier couplet de The Revolution, l'intro de The Eradication). On est cependant loin d'une réelle complexité dans la composition. C'est même l'un des reproches que l'on pourrait faire à l'album : les structures des morceaux manquent souvent de variété et on peine à vraiment les singulariser, la liste homogène des titres n'aidant pas non plus à la tâche.
        Pour autant, This Means War n'est certainement pas un album réalisé à la va-vite. Sans en dire trop, il raconte une histoire inspirée en grande partie par la Seconde Guerre mondiale et qui se place du point de vue d'un soldat abusé par le système dans lequel il fait partie, notamment par le dictateur au sommet de sa hiérarchie. Derrière ce qui semble être une sorte de délire se cache une œuvre qui représente l'instabilité d'un esprit dans une situation qui le dépasse. Le titre d'ouverture, The Revolution, exprime la folie du personnage qui prend conscience des assassinats qu'il commet en tant que soldat. Cependant, au-delà de ce qui semble être une sorte de délire militaire qui colle à une musique brutale, on peut y voir, plus qu'une guerre contre un système totalitaire, un conflit avec soi-même, entre le moi qui se conforme au système auquel il appartient et celui qui remet en question le bien-fondé de ces actions. Cela n'est qu'une piste, mais elle semble pertinente dans la mesure où la folie et le conflit intérieur semble être des éléments bien présents au sein des paroles et dans les hurlements insensés de Caleb Shomo, de quoi correspondre avec l'explosivité sonore de l'album.

       This Means War est clairement un album-défouloir, dont les éléments qui ont fait la réputation d'Attack Attack! sont dilués au profit d'un son direct et brutal. Attack Attack! laisse un chant du signe plutôt convaincant, dont les thèmes de la folie et de l'adversité contribuent pleinement à une agressivité sonore qui sera encore une fois largement exploitée par Caleb Shomo dans son projet suivant Beartooth.