mardi 16 août 2016

Chonique : Periphery

Periphery est un groupe de metal progressif formé en 2005 à Washington D.C. sous la houlette du musicien/producteur Misha Mansoor, ayant fait ses premières armes en solo sur le net sous le pseudonyme "Bulb", faisant de lui par ailleurs l'un des fers de lances de la scène "djent", désignant divers groupes et artistes de metal progressif moderne principalement influencés par Meshuggah, comptant ainsi Tesseract, Monuments, Vildhjarta et j'en passe. Ayant déjà écumé les tounées et après quelques problèmes de studio et de line-up, Periphery parvient à sortir son premier effort en 2010.


         La barre est placée assez haute pour un premier album. Il faut dire que la grande majorité des morceaux présents sur l'album est issue de démos enregistrées par Mansoor et ayant déjà émergées sur le net. On a affaire à un metal extrêmement technique, faisant part aux rythmes saccadés et aux structures alambiquées. L'oreille avertie constatera qu'on distingue les morceaux utilisant les guitares à six cordes et ceux utilisant celles à sept cordes. Les premiers mettront en avant la rapidité d’exécution et l'enchaînement supersonique de notes (Insomnia, Buttersnips), les autres feront la part belle au groove et aux ambiances. La section rythmique basse/batterie est là pour appuyer les rythmes complexes et permet de nous rendre compte des déstructurations. On remarque également une section atmosphérique assurée par certains leads (The Walk, Light), les guitares claires (Jetpacks Was Yes!, Icarus Lives!) ou encore les quelques éléments électroniques (Letter Experiment). On trouve d'ailleurs de nombreuses interludes entre les morceaux, assurées par Jake Bowen, l'un des guitaristes du groupe, aux allures ambient et downtempo. Metal progressif oblige, les solos sont bien présents et brillamment exécutés, et ont une bonne balance entre technicité et musicalité. A noter d'ailleurs celui de Jeff Loomis, officiant auparavant dans Nevermore et actuellement en solo et dans Arch Enemy, sur la longue conclusion qu'est Racecar. Les lignes de voix alterne sans cesse entre un chant hurlé assez monotone, quoique collant bien au propos, et un chant clair haut perché typé metalcore , renforcé à coup d'Auto-tune discret, qui fera donc difficilement l'unanimité. Les compositions sont plutôt bien ficelées, comme la composition de l'album l'est, même s'il n'y a pas réellement de fil conducteur.
         Il n'y a d'ailleurs pas de thème prédominant dans l'album, les paroles restant assez abstraites et libres d'interprétation. On peut quand même relever quelques références à la mythologie grecque (Letter Experiment, Icarus Lives!) et quelques lignes qui inspireront les plus geeks d'entre nous (Jetpacks Was Yes! qui évoquent le point de vue d'un immortel comme seul survivant humain, Buttersnips qui décrit une invasion zombie, le tout selon les dires du chanteur Spencer Sotelo).
          La production est entièrement assurée par Misha Mansoor, l'album ayant été même entièrement enregistré dans sa chambre/home-studio. Le son, notamment celui des guitares, n'est pas très massif, laissant assez d'espace pour une grande précision rythmique. Il est ainsi également très mécanique, dû probablement à l'enregistrement au riff par riff pour atteindre une grande précision, et également par le fait que la batterie ne soit pas acoustique mais largement échantillonnée. Matt Halpern a effectivement exécuté ses parties sur une batterie électronique, déclenchant des samples à chaque frappe.

         Periphery a ainsi produit un album extrêmement technique et précis, quasi mécanique, ce qui peut rebuter l'auditeur, trouvant alors un manque d'authenticité, et même de personnalité s'il fait le rapprochement évident avec Meshuggah (metal extrême et déstructuré, production chirurgicale...). On pourrait même voir de l’esbroufe derrière une telle performance, remise en cause par sa production mécanique. Bien qu'on puisse constater dans cet album un certain manque de fond, on pourra remettre en question ces critiques par la qualité de la composition, qui amène une certaine musicalité au propos et s'éloignant de Meshuggah par son côté beaucoup plus mélodique ; et la qualité des performances live, trouvables sur internet, qui montre que le groupe sait et peut faire ce qu'il fait.

dimanche 14 août 2016

Chronique : "The Way Of All Flesh" de Gojira

Sans plus attendre, pour ouvrir ce blog, j'ai pensé vous parler d'un de mes groupes fétiches qui n'a pas fini de faire parler de lui : les petits français de Gojira.
        Largement connu des amateurs du genre, ce groupe formé en 1996 à Ondres, dans les Landes, s'est forgé une solide réputation, à la limite d'être le groupe de metal français le plus célèbre au monde. Dans une moindre mesure, on connait Gojira comme un "groupe écolo", notamment par le soutien qu'ils portent à divers associations comme Sea Shepherd. Mais leur renommée est surtout due à leur death metal au style très personnel, loin des canons du genre.


        The Way Of All Flesh, leur quatrième album, sorti en 2008, ne fait pas exception à la règle. Produit par Joe Duplantier, le leader du groupe, on a affaire à un metal puissant et précis où rien n'est laissé au hasard. Là où un groupe de death metal "classique" se contenterait de distiller des riffs lourds mais monotones, Gojira joue la carte du technique et du groove, avec des riffs carrés ponctués d'effets bien placés. Supportés par le jeu de batterie varié de Mario Duplantier, The Way Of All Flesh est fort de compositions efficaces et bien ficelées. On a également droit à quelques passages épiques (le "refrain" de The Art Of Dying) et d'idées originales, presque expérimentales (le combo synthé/vocoder sur l'intro de A Sight To Behold, le chant de gorge à l'atmosphère mystique sur The Art Of Dying, l'effet "guitare inversée" dans l'outro de Esoteric Surgery), sans compter les ambiances planantes disséminées dans l'album. Joe Duplantier délivre également une palette vocale variée : le chant vraiment guttural typique du death metal est finalement peu présent, laissant surtout place à un chant très saturé et venant des tripes. En plus de cela et de quelques apparitions de chant clair (Oroborus, The Way Of All Flesh), le leader n'hésite pas à mélanger chant saturé et clair dans un seul souffle, rappelant la voix puissante de Devin Townsend ou les quelques envolées de Randy Blythe de Lamb Of God (qui apparaît même sur Adoration For None), quoiqu'en plus puissant.
        Gojira sait également renouveler le death metal par les thèmes des morceaux. L'album est principalement traversé par le concept de la mort, mais traitée de manière abstraite et spirituelle, contrairement à la majorité des groupes qui l'auraient fait sans doute de façon concrète et morbide. On trouve également les idées de lien avec la nature (Adoration For None), de cycles naturels et de renaissance (Oroborus, Esoteric Surgery) et un peu d'écologie (Toxic Garbage Island).
        Le tout est au service d'une production soignée, essentiellement assurée par le groupe lui-même, permettant d'apprécier à la fois la lourdeur et la précision de la musique. A noter que les parties de batterie ont été enregistrées à Los Angeles, sous la houlette de Logan Mader, producteur et ancien guitariste de Machine Head, qui se charge également du mixage et du mastering.
         En résumé, Gojira nous sert dans The Way Of All Flesh un death metal profond, lourd et technique, fourmillant de bonnes idées et loin des clichés du genre.