lundi 28 mai 2018

Chronique : "Stone Sour" de Stone Sour

Avec à peine deux albums à leur actif, Slipknot jouissent en 2002 d'un succès monumental qui les pousse à tourner sans relâche. Entretemps le chanteur Corey Taylor alors en pleine promotion pour Iowa est contacté par le guitariste Josh Rand pour remettre en marche Stone Sour, le groupe avec lequel les deux hommes ont fait leurs armes dans les années 1990 en Iowa, avant que Corey Taylor ne rejoigne Slipknot en 1997. Le groupe se reforme dans une formation incluant au passage le guitariste James Root, officiant également dans Slipknot, et sort son premier album en 2002. La tentation de comparer Stone Sour à Slipknot est très forte mais, même si certaines similitudes sont perceptibles, la nouvelle formation se distingue clairement du gang masqué comme des groupes de nu metal de l'époque, dans un temps où le genre est justement en plein déclin.


    Ce premier album est la seule production du groupe conçue dans leur état natal de l'Iowa, sous la houlette de Tom Tatman qui, à la première écoute, livre un son brut, gras et assez classique pour des compositions à priori dans la moyenne de leur temps. Mais si on creuse un peu, on s'aperçoit que Stone Sour est plus qu'un groupe de nu metal supplémentaire. Il est clair qu'il se distingue de Slipknot par une sorte d'assagissement musical : là où le groupe masqué livre un metal vraiment extrême, ce dont on se rend bien compte à l'écoute d'Iowa, Stone Sour joue dans des dynamiques un peu plus modérées, moins techniques et dans un esprit finalement plus rock. Le seul titre qui mériterait la comparaison avec Slipknot est la piste d'ouverture, Get Inside, pour son instrumentation à effet rouleau-compresseur et l'alternance des chants rappé, hurlé et chanté de Corey Taylor. La majorité de l'album repose quant à elle sur un nu metal aux influences grunge et aux dynamiques variées, généralement entre les couplets calmes (Orchids, Blue Study, Take a Number) et les refrains agressifs (Get Inside, Cold Reader) ou tout du moins plus appuyés (Inhale, Idle Hands). Les riffs et les structures sont relativement simples mais suffisamment bien construits pour accrocher à l'écoute. On notera la présence de quelques soli assurés en alternance par Rand et Root (Get Inside, Monolith, Blue Study, Take a Number). Un aspect remarquable reste aussi la voix de Corey Taylor car, à l'époque où sort l'album, on le connaît surtout pour le chant hurlé et dérangé dont il se sert dans Slipknot. Si ses hurlements gutturaux similaires à ceux d'Iowa sont bien présents, c'est clairement son chant mélodique qui fait mouche, montrant qu'il n'est pas qu'un simple hurleur. Ce qui fait d'ailleurs une des qualités de l'album est l'équilibre dans la présence des ces deux types de chant, en lien avec l'alternance des dynamiques évoquée précédemment. Ces différences de dynamiques sont d'ailleurs tellement étendues qu'elles donnent lieu à Bother, autre exception de l'album, une ballade qui, certes, tranche avec le reste de l'album mais qui ne tombe ni dans la facilité ni dans la niaiserie.
    Bien au contraire, son caractère sombre et mélancolique marque assez bien l'expérience musicale qu'on peut tirer de l'écoute de l'album. Les morceaux traitent de thèmes personnels et relationnels, assez typiques du grunge. Cependant, si ce rapprochement est convaincant, c'est également à nouveau à Slipknot que l'on peut se permettre de comparer Stone Sour. Comme chez le groupe masqué, les thèmes de l'adversité et de la dépression sont aussi présents ici mais pas traités de la même manière. Slipknot voit ces idées sous un aspect monstrueux ; Stone Sour les voit sous un aspect plus humain : la haine et la colère laisse davantage place à l'amertume et à la mélancolie. On oublie également les thèmes horrifiques et fantasmés des morceaux comme Purity ou Iowa pour rentrer dans du concret : Inhale relate notamment l'expérience de Corey Taylor comme sans-abri. Pour l'aspect visuel, il faut également noter que Corey Taylor et James Root apparaissent évidement démasqués. Mais Stone Sour parvient à conserver de Slipknot une forme de spontanéité et d'authenticité sans pour autant jouer dans la facilité. De même, cette trace que Stone Sour garde de Slipknot aide à la distinction du groupe par rapport aux autres formations de l'époque.
    Comme cela se présente souvent avec les premiers albums, ce disque éponyme est clairement le plus brut et le plus spontané de Stone Sour, contrairement aux opus suivants qui seront plus produits. Cet aspect direct lui confère même une atmosphère assez sombre. Un problème qui s'est cependant posé postérieurement à la sortie de ce premier album est l'influence qu'a pu avoir Stone Sour sur les albums ultérieurs de Slipknot rendant la musique de ces derniers quelque peu affadie par rapport aux brûlots que sont les deux premiers albums. Toujours est-il qu'il a contribué à montrer une nouvelle facette de Corey Taylor et James Root et leur polyvalence en tant que musiciens.

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