mercredi 25 avril 2018

Chronique : "The Impossibility of Reason" de Chimaira

Chimaira ont toujours voulu prouver qu'ils étaient un fer de lance du metal moderne américain. C'était d'autant plus le cas après la sortie du premier album Pass Out of Existence, bien reçu mais trop souvent rangé dans le nu metal, un sous-genre généralement mal vu par la communauté metalleuse. En 2003, Chimaira compte bien rectifier le tir avec The Impossibility of Reason, un album plus direct et plus brutal, qui confirme la place de la formation comme un pionnier de la New Wave of American Heavy Metal. Cela étant dit, on trouvera quand même des bribes de l'identité musicale du groupe telle qu'elle s'est dessinée dans l'album précédent.


        Loin de la Californie et des studios de rêve, Chimaira a préféré enregistrer cet album dans leur état natal de l'Ohio, aux Spider Studios de Strongsville. La production est confiée à Ben Schigel, un musicien et producteur du coin que le groupe connaît bien puisque c'est Schigel qui a produit l'EP This Present Darkness sorti en 1999. La bête mythique se place ainsi dans un terrain connu pour enregistrer un album dont l'intensité musicale est clairement un cran au-dessus du précédent. The Impossibility of Reason est un album de groove/thrash metal efficace à côté duquel Pass Out of Existence fait assez pâle figure. On remarque déjà le rehaussage de l'accordage des guitares pour un son plus précis et plus percutant. Les riffs et dynamiques rythmiques sont également beaucoup plus variés : si Chimaira conservent les passages syncopés et les roulements de double pédale (The Impossibility of Reason, Pure Hatred, The Dehumanizing Process, Eyes of a Criminal), ils ajoutent à cela des accélérations bien senties (Power Trip, Stigmurder, Overlooked, le seul et unique passage en blast beats dans Cleansation). On notera également l'apparition majeure des soli, quasiment absents du premier album, sur des titres comme Cleansation, Power Trip ou la conclusion instrumentale Implements of Destruction. Une chose remarquable est cependant la discrétion des samples par rapport à l'album précédent dans lequel ils étaient presque omniprésent. Dans ce deuxième album, ils sont là davantage là pour enrober quelque peu les morceaux, notamment les plus atmosphériques comme Pictures In the Gold Room ou Crawl. Cependant, on trouvera quand même quelques éléments qui rapproche The Impossibility of Reason de son grand frère, le titre Down Again étant le plus évident pour discerner ces traces qui montrent que la politique commerciale de Roadrunner Records était passée par là.
         Malgré cela, l'expérience musicale de cet album est assez différente de Pass Out of Existence. Là où ce dernier laissait une impression de froideur, The Impossibility of Reason se montre une nouvelle fois beaucoup plus frontal et nerveux. Cela se ressent à travers les paroles dont le concept peut se résumer dans les mots "Rejet, revanche et répercussion" selon les dires du chanteur Mark Hunter, des mots que l'on entend également dans Pictures In the Gold Room. Les morceaux ont généralement trait à l'adversité, tournant parfois à la misanthropie (Pure Hatred, Cleansation, Power Trip, The Dehumanizing Process), loin des paroles dépressives du premier opus. Cela justifie les refrains simples et fédérateurs, et les riffs et breakdowns presque épiques, qui donnent un réel sentiment de puissance. Un autre trait intéressant et qui deviendra une marque de fabrique de Chimaira est l'inspiration cinématographique de certains morceaux : le morceau-titre tire son inspiration d'une réplique de Charlie Sheen dans Platoon ou les "tableaux dans la Gold Room" sont évidemment une référence au Shining de Stanley Kubrick. Touchons d'ailleurs un mot du chant de Mark Hunter, qui est toujours aussi dément, quoiqu'un peu plus technique. Entre ses hurlements caractéristiques, ses growls puisssants et bien placés (Cleansation, The Dehumaniizng Process, Power Trip, Overlooked) et son chant clair à mi-chemin entre Alice In Chains et Deftones (Pictures In the Gold Room, Down Again, Stigmurder) et qui s'accorde également quelques poussées (Crawl), Hunter sait imposer sa personnalité vocale tout en étant capable d'une certaine diversité, le tout étant propice à faire ressortir la haine et la colère viscérales qui se dégagent des morceaux.

        Chimaira ont globalement réussi à montrer qu'ils étaient une valeur sûre du metal moderne américain avec un son chaud, puissant et brutal. Le mélange des influences diverses est toujours là, mais n'est plus du même acabit : si Fear Factory est un nom que l'on peut toujours citer, ne serait-ce que pour le travail de batterie ou certains riffs, ce sont plutôt Slayer, Pantera ou Metallica qui viennent spontanément en tête. Pour l'anecdote, la volonté de Chimaira de changer d'optique musicale a été telle que certains membres du groupe se sont opposés contre la volonté de Roadrunner Records à la présence sur l'album du titre Stays the Same, aux sonorités très proches de l'étiquette nu metal qu'on leur attribuait auparavant, qui finira par sortir ultérieurement dans certaines éditions limitées. Au contraire, Chimaira privilégie un style sans concessions et qui deviendra même plus travaillé au fil des albums : la conclusion Implements of Destruction annonce quelque peu le tournant épique que va prendre l'identité musicale du groupe.

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